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Mai 2015 : la Rose III

La reine des fleurs III

mercredi 6 mai 2015, par Léon

Plus de deux siècles de règne sans partage

A quoi la rose doit-elle donc son immense succès ? Tout simplement à ses extraordinaires qualités ornementales et culturales comme l’élégance de son bouton floral, ses coloris et tons variés (sauf le bleu), le nombre de cultivars odorants, ou encore sa floraison parfois remontante.
C’est d’ailleurs une des rares plantes pouvant s’enorgueillir de posséder des jardins spécifiques, les roseraies. A côté de la décoration de jardins, le rosier est cultivé pour la production de parfum ou pour la fleur coupée, et largement utilisé pour la constitution de haies, la couverture du sol, de talus et de murs. Alors que les variétés grimpantes garnissent treillis, pergolas ou pylônes, les plus petites en pots ou jardinières égaient terrasses et balcons. Compte tenu de toutes ces propriétés, il n’en fallait pas plus pour porter et garder la reine au pinacle. Mais les choses ne se sont pas faites d’elles-mêmes, il fallait la foi et la pugnacité de créateurs de nouveautés, d’infatigables sélectionneurs, d’obtenteurs acharnés à présenter une nouvelle création qui éclipserait toutes ses devancières. Et la course à la recherche de la perfection continue toujours avec autant de vigueur.
Quand on compare aujourd’hui les rosiers botaniques aux rosiers horticoles , on s’aperçoit immédiatement du chemin parcouru, notamment par le nombre de pétales de leurs fleurs.

Rosiers botaniques
Prenons pour exemple le rosier pimprenelle, Rosa spinosissima L., (nombreux synonymes, notamment R. pimpinellifolia L.), portant des fleurs blanches à cinq pétales, originaire d’Europe et d’Asie, arbuste de 80 à 200 cm, drageonnant, tiges très épineuses, feuilles à 5-11 folioles, et le cultivar ‘La France’
 [1]
, créé en 1867 par Jean-Baptiste Guillot (1803-1882).

La mythique rose ’La France’, création de 1867
(photo Roseraie Guillot).

On considère ce dernier comme le premier hybride de thé au monde ; en outre il marque le passage entre deux époques, celle des roses anciennes et celle des roses modernes. Ses longs boutons pointus retiennent plus de soixante pétales qui s’épanouissent en très grandes corolles, d’un blanc argenté doublé de rose lilas. Le cultivar ‘La France’ est encore cultivé par milliers en Inde pour son parfum, et toujours disponible à la Roseraie Pierre Guillot en Isère. Petite précision : attention à ne pas confondre le rosier de France ou rose de France, nom vernaculaire de Rosa gallica L., et le cultivar ‘La France’.

L’un des plus anciens rosiers en culture est Rosa x centifolia L. (syn. R. provincialis Mill.), la rose chou ou rosier cent-feuilles, originaire du Caucase, qui apparaît sous sa forme actuelle au 18e siècle, et qui serait le résultat d’hybridations complexes avec R. canina, R. gallica, R. moschata et R. phoenica. Ce petit arbuste érigé porte des épines éparses, ses feuilles à 5-7 folioles sont larges, ovales, velues dessous, ses fleurs de couleur rose sont grandes, doubles et très odorantes (important pour le parfum). Une déviation fortuite - que les horticulteurs nomment « sport » - de cette espèce a donné le rosier mousseux, R. x centifolia ‘Muscosa’ qui, arrivé en 1596 de Hollande, connut un grand succès. L’ensemble de la plante est recouvert de poils serrés comme de la mousse, ses fleurs rose clair sont doubles, globuleuses et également très odorantes.

Une autre espèce intéressante est la rose de Damas, Rosa x damascena Mill., cultivée en Syrie, introduite en France vers 1254, très rustique, florifère et odorante. On l’utilise souvent dans les parcs et les jardins de ville pour leur abondante floraison estivale. En Orient elle est cultivée pour la fabrication d’eau de rose. Cette espèce a longtemps été considérée comme naturelle, mais certains spécialistes pensent qu’il existe deux groupes, la rose de Damas d’été issue de (R. Gallica x R. phoenica) x R. bifera Hurst, et la rose de Damas d’automne issue de R. gallica x R. moschata. Ce rosier de 2-3 m à grandes fleurs de couleur variable, du blanc au rouge, aux nombreuses tiges dressées, avec aiguillons crochus, porte des feuilles à 5-7 folioles ovales, vert grisâtre. Un cultivar à invoquer : la rose d’York et de Lancastre, R. x damascena ‘Versicolor’, déjà cultivée avant 1629, porte des fleurs semi-doubles, blanches, rayées et tachetées de rose, parfois blanches, parfois roses.

La rose de France, Rosa gallica L., originaire d’Europe (centrale et sud) et Asie ouest, indigène mais rare en France (espèce protégée), est cultivée depuis la plus haute Antiquité. Cet arbuste de 50 cm à un mètre, à racines traçantes, très épineux, porte des feuilles à 3-7 larges folioles glanduleuses, rugueuses, et des fleurs roses à rouges de 5-7 cm de diamètre. L’espèce est à l’origine de très nombreux rosiers modernes. La rose des apothicaires, R. gallica ‘Officinalis’, ramenée de Palestine à Provins en 1240, serait en culture au moins depuis 1310. Les fleurs sont doubles ou semi-doubles, 8-10 cm de diamètre avec anthères jaunes prééminentes. Ses pétales, même secs et en poudre conservent leur parfum.

La rose de Chine, Rosa chinensis Jacq., est à recommander au jardin familial pour sa riche et longue floraison et sa rusticité. Il s’agit sans doute de l’espèce à l’origine de nombreuses variétés et cultivars modernes, hybrides de thé ou sarmenteux. Connue avant 1700, ce n’est que vers 1900 que sa forme sauvage a été découverte. Cet arbuste sarmenteux, à port souvent érigé, nous gratifie de fleurs de cinq centimètres de diamètre, cramoisies ou roses, parfois blanches, de juin à septembre, et de feuilles de 3-5 folioles, ovales à oblongues, vert brillant, semi-persistantes. La rose fée, R. chinensis ‘Minima’, est un rosier très nain, 15-25 cm, à petites fleurs simples ou doubles, rouges ou roses, en culture depuis 1815, utilisé en bordure au jardin ou en pots. Le rosier du Bengale, R. chinensis ‘Semperflorens’, a été introduit en 1733 en Grande-Bretagne. Cet arbuste de 1 à 3 m se couvre, de juin aux premières gelées, de fleurs semi-doubles orange virant au rouge.

Il est évident que la rose de Chine a également joué un important rôle dans la descendance du groupe des roses bourbon, Rosa borboniana Desp., plante d’origine horticole, issue de R. chinensis x R. x damascena, introduite en Grande-Bretagne en 1825. C’est une race de grande beauté, remarquable par sa riche floraison, sa forte croissance et son voluptueux parfum. Les plantes fleurissent tout l’été et l’automne, et portent souvent les premières et les dernières roses au jardin. Elles demandent une bonne exposition, supportent mal froid et humidité. Citons ‘Souvenir de la Malmaison’ créé en 1843 par le rosiériste français Jean Béluze et nommé d’après le nom de la roseraie de Joséphine de Beauharnais. Ce rosier est aussi connu sous d’autres noms : ‘Queen of Beauty’ et ‘Flagrance’.

Voilà quelques uns des rosiers botaniques parmi les plus importants. Cependant nous sommes loin d’en avoir fait le tour, il faudra encore bien des lignes pour un inventaire des espèces les plus dignes de figurer dans une chronique, même succincte.

Le mois prochain nous découvrirons de nouvelles espèces avec leurs principales caractéristiques. Pour bien faire, il faudrait illustrer cette prose, mais cela prendrait trop de place ici.

  • Je vous propose un autre moyen pour visionner des images : mon site internet www.plantalex.com recèle plus de 340 photos de roses, fleurs ou fruits (cynorrhodons).
    Dans la page d’accueil choisissez lexique des plantes et « cliquez ici », dans nom latin tapez rosa, entrez, vous aurez tous les noms de plantes ou figure ce mot, allez à rosa, entrez, dans le haut cliquez sur diaporama, vous verrez plus de 340 vignettes avec leur légende, cliquez sur celle qui vous intéresse, la photo apparaît à droite. Si vous entrez dans la fiche d’une espèce, vous découvrez tous les noms vernaculaires, parfois nombreux, ainsi que les synonymes qui s’y rattachent.

Léon

Notes

[1*** Dans le langage courant, espèce, genre, variété, sorte, sont pratiquement synonymes, employés généralement sans distinction. En botanique il en va tout autrement, et il me semble nécessaire de rappeler brièvement ici les termes appropriés. Sans entrer dans les détails, retenons simplement les termes familles, genres, espèces, variétés. Dans notre cas le rosier se classe dans la famille des Rosaceae, rosacées en français ; le genre en latin est Rosa, spinosissima désigne l’espèce, ces deux termes formant le binôme, base de l’appellation des plantes. Deux autres termes sont couramment utilisés : variété et cultivar. En principe le premier désigne une plante issue d’une hybridation naturelle, le second un hybride créé par l’homme. Ce terme, composé de cultivé et variété est assez récent (20e s.) Il est essentiel de ne pas confondre ces deux vocables.

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