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Mars 2015 : la rose

La reine des fleurs

jeudi 26 février 2015, par Léon

La rose, la vraie, n’aurait-elle pas droit de cité dans un potager sous prétexte qu’il s’agit d’un arbuste ornemental et non d’un légume ? Que nenni, car lorsque l’on cultive un lopin de terre on n’y met généralement pas que des plantes vivrières. Les fleurs y trouvent souvent une bonne place, alors que dire de la reine, la rose qui manque dans peu de jardins. Alors voyons d’un peu plus près l’ensemble d’événements qui l’ont mise sur le trône.

Il serait pourtant vain de vouloir rechercher l’adorateur qui, le premier, a décrété que la rose serait la reine des fleurs ; son nom a disparu dans la nuit des temps.
Dans l’Ancien Testament, la fleur est abondamment évoquée, même si la « Rose de Jéricho » et la « Rose de Saron » n’ont que le nom de rose au sens botanique actuel. Il est cependant admis que dans les magnifiques jardins suspendus de Babylone, qui auraient existé deux mille ans avant Jésus-Christ, une place d’honneur avait été réservée à la rose, d’autant plus qu’en Perse, en Palestine et en Syrie il existe divers rosiers sauvages. Les Perses sont d’ailleurs le peuple dont la vie culturelle et la poésie sont les plus proches de la rose.

Ce qui est certain, c’est que la rose règne depuis vingt-cinq siècles au firmament des fleurs. La grande poétesse grecque Sappho (630 av. J.-C. vers 580 av. J.-C.) n’a-elle pas écrit à ce sujet :
« Si Jupiter voulait donner une reine aux fleurs, la rose serait la reine de toutes les fleurs. Elle est l’ornement de la terre, la plus belle des plantes, l’œil des fleurs, l’émail des prairies, une beauté toujours suave et éclatante ; elle exhale l’amour, attire et fixe Vénus : toutes ses feuilles sont charmantes ; son bouton vermeil s’entrouvre avec une grâce infinie et sourit délicieusement aux zéphyrs amoureux. »*

Depuis ces temps lointains, des nations sont apparues et ont disparu, rois et princes sont nés et ont trépassé, et notre vieille terre a connu d’innombrables bouleversements par le fait de l’homme ou de la nature, mais à travers toutes ces vicissitudes, la rose a su garder sa position dominante, et personne n’a osé lui disputer son trône.

Les anciens Grecs, qui aimaient la beauté par dessus tout, utilisaient souvent la rose comme symbole. Lors de célébrations publiques et fêtes religieuses, les adolescents et les jeunes filles portaient des couronnes de roses, emblème incontesté de la jeunesse. La population admirait tellement la rose qu’elle la dédia aux dieux - à Vénus en symbole de la beauté, à Cupidon en symbole de l’amour.

Les Romains ne furent pas moins enthousiastes que les Grecs dans leur admiration de la reine des fleurs. Lors des grandes fêtes ils utilisèrent d’énormes quantités de roses pour la décoration des salles et des tables, ainsi que des serviteurs et des convives, car ils croyaient que les fleurs possèdent la propriété de protéger de l’ivresse d’un vin qui coulait à flot.
A l’époque des empereurs romains, de grands jardins furent consacrés uniquement à la culture de la rose, et plus tard un commerce se serait largement développé. Par des soins appropriés, la taille et le forçage, on arriva à cultiver des rosiers fleuris toute l’année.
Suivant les documents d’époque de Pline l’Ancien, au premier siècle de notre ère, les méthodes de culture n’ont guère évolué jusqu’ici dans l’ensemble, si l’on exclut évidemment les grands progrès en ce qui concerne la multiplication (méristèmes notamment). Ce prolifique auteur écrit :
« Pour la rose, le sol doit être travaillé en général plus en profondeur que pour les céréales ; elle se développe très lentement à partir de semis, c’est la raison pour laquelle on préfère la méthode du greffage. Par la taille, on améliore toutes les roses. ».
Il insiste surtout sur la nécessité d’un sol riche et énumère douze variétés cultivées.

A l’époque de la splendeur de l’empire romain, les roses semblent exercer une influence quasi magnétique sur le peuple. Les nobles ne se contentaient pas de se parer et de décorer leurs halls de guirlandes de roses, ils achetaient des cargaisons de pétales qui leur servaient de coussins et de rembourrage ; les couches furent couvertes de pétales et des fleurs versées dans le vin. Lors des fêtes populaires les rues étaient couvertes de fleurs et les temples regorgeaient de roses odorantes. Néron aurait dépensé pour une seule fête quatre millions de sesterces, une somme pharamineuse que n’importe quel amateur fortuné d’aujourd’hui hésiterait à dépenser.

Après la chute de l’empire romain, la rose perdit de son influence au point que peu d’auteurs la citent, et cela pendant plusieurs siècles. Ce sont les guerres civiles entre les partisans des maisons d’York et de Lancastre - nommées guerre des Deux-Roses (1455 à 1485) - qui remirent en mémoire et en faveur la reine des fleurs.

Une nouvelle ère commence alors pour notre héroïne, un formidable essor en Europe où les rosiéristes français tiennent une bonne place, mais aussi une certaine impératrice qui voue une admiration sans borne à la reine des fleurs. Ce sera le sujet de notre chronique du mois prochain, car il reste tant à évoquer, entre histoire(s), citations et autres anecdotes.
Oui, la prolifique rose a tant à dire, à raconter que l’intégralité de son parcours terrestre ne pourrait tenir dans un livre, a fortiori dans une chronique d’une page.
Prochain rendez-vous en avril.

Léon

J’ai voulu ce matin te rapporter des roses
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir
Respire en moi l’odorant souvenir

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
d’après un extrait des oeuvres de Sappho traduites par Ernest Falconnet

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