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Janvier 2015 : l’arbre à cacahuètes

jeudi 1er janvier 2015, par Léon

Lors de mes pérégrinations à travers des expositions horticoles, il m’est arrivé de poser une question banale à première vue à des interlocuteurs, leur demandant s’ils connaissaient l’arbre à cacahuètes, s’ils en avaient un chez eux.
Les réactions furent évidemment différentes, allant du sourire de connivence pour les plus érudits à la mine interrogative ou intéressée des autres. A ces derniers je demandais s’ils en voulaient un. Bien des réponses furent positives dans le sens d’un oui franc et spontané, d’autres étaient plus hésitants, un timide « ça existe ? » fusait de temps à autre, comme si ma question sonnait quelque peu incongrue, trahissant une certaine indécision, un petit désarroi.
A ceux qui se montraient intéressés par ce cadeau original, je répondais avec un air désolé « je ne vous en donnerai pas », ajoutant malicieusement « vous ne m’êtes pas assez sympathique ».
Devant l’air ahuri se dessinant sur le visage de mon interlocuteur interloqué par mon insolence, je m’empressais de préciser : « non mon bon monsieur (ou ma bonne dame), je ne vous en offre pas, tout simplement parce que ça n’existe pas, les arachides ne poussent pas sur un arbre ! » Nouvel air trahissant une certaine incrédulité, de la méfiance parfois. Dois-je vraiment croire ce qu’on me raconte là ?
Car il s’agit bien de noix, et les noix on les récolte sur des arbres, autant que je sache.

Absolument bonnes gens, mais pas les cacahouètes ou cacahuètes. Si vous connaissiez les autres noms par lesquels on appelle aussi ces fabacées (anciennement légumineuses) le doute ne serait plus possible : noix de terre, pois de terre, pistache de terre, ces dénominations devraient vous interpeler, vous démontrer qu’ici on ne raconte pas de bobards, on dit la vérité !
Oui, la vérité, mais pas complète pour le moment, il nous faut aller plus loin, car le comportement de l’arachide n’entre dans aucun processus connu généralement dans le développement d’une plante.
Dame Nature, dans son incommensurable diversité, s’est laissé aller à mettre au point un mécanisme qui, lorsqu’on l’entend, soulève étonnement, ébahissement même, allant jusqu’à l’incrédulité.
Jugez-en :

- Prenez une cacahuète, mettez-la en terre.
- Une dizaine de jours après vous voyez apparaître un plant se développant pour atteindre environ une quarantaine de centimètres de hauteur. Tiges, feuilles et fleurs ressemblent peu ou prou aux petits pois, pas étonnant, les deux végétaux faisant partie de la même famille, les Fabacées comme nous l’avons vu plus haut.
- Les fleurettes jaunes, parfois striées de rouge, sont insérées sur un gynophore (sorte de pédicelle au sommet duquel est porté le pistil).
- Après la fécondation, ce gynophore s’allonge et se recourbe vers le sol pour y enfoncer la jeune gousse qui va se développer dans la terre. En général les gousses portent deux graines, parfois même trois ou quatre.

Le célèbre botaniste suédois Carl von Linné a baptisé cette plante annuelle au développement singulier du nom scientifique d’Arachis hypogaea. Le nom du genre proviendrait du grec désignant une gesse autrefois comestible, quant au nom d’espèce hypogaea, en français hypogé, c’est un adjectif qualifiant en botanique des cotylédons qui restent sous la terre lors de la germination, ou tout simplement qui vit ou se développe sous terre.

La culture de l’arachide

Sachant qu’elle est originaire de régions tropicales ou subtropicales d’Amérique du Sud, il est évident que sous nos latitudes un terrain bien exposé au soleil est absolument primordial, la plante ne se développant qu’avec un minimum de 20°C. Lorsque la température descend en-dessous de 15°C, la croissance risque de se bloquer.

- Procurez-vous des graines dans des commerces spécialisés, elles doivent être fraîches, il est évidemment hors de question d’utiliser des arachides du commerce alimentaire.
- Semez en godets ou en pots assez tôt en saison, mars-avril, sous abri. Veillez à les placer en pleine lumière. Le substrat sera léger et meuble, tenu toujours humide mais sans excès afin d’éviter toute humidité stagnante.
- Lorsque les risques de gelée ont disparu on sort les plants soit en pleine terre soit en gros pots, sur balcon ou terrasse. Dans ce dernier cas, utilisez des contenants assez larges pour permettre à la plante de trouver l’espace nécessaire pour enterrer ses fleurs - comme nous l’avons vu plus haut - et de développer les gousses. En pleine terre, plantez à une quarantaine de centimètres de distance.
- Binez et sarclez régulièrement, butez afin de permettre à la fleur de trouver un terrain bien meuble lorsqu’elle engage son curieux processus. Une fois la plante bien établie, l’arrosage sera réduit, une fois par semaine sauf grosse chaleur pour cette fille des adorateurs du soleil.
- Vers la fin de l’été, lorsque le feuillage jaunit, grattez un peu la terre pour voir si les gousses sont brunes, vos cacahuètes seront bonnes à récolter.
- Arrachage, séchage sur place, passage des gousses à four chaud environ huit minutes et vous voilà prêt à déguster vos merveilles. Tout cela à condition que les acariens, les pucerons ou les chenilles ne soient pas venus auparavant gâter votre plaisir.

Une plante vivrière d’importance mondiale

Dans le genre Arachis, on trouve d’autres espèces que la cacahuète, mais celle-ci est largement la plus connue, cultivée et appréciée de différentes manières.
- On pense en premier lieu à la graine légèrement torréfiée et salée que l’on croque à l’heure du pastis, mais il y a bien plus important.
- L’huile d’arachide résiste bien aux hautes températures, on l’utilise comme matière première pour la fabrication de margarine, huile de table, ainsi qu’en savonnerie.
- Le beurre de cacahuète est très populaire en Amérique du Nord, alors qu’en Asie du Sud-Est l’arachide forme la base de la sauce Satay.
- On en fait aussi de la purée ou de la farine employée en biscuiterie.
- Le feuillage ainsi que les déchets provenant de l’extraction de l’huile (tourteaux) constituent un excellent aliment pour le bétail.
- Les coques sont utilisées comme combustible.
- Dans le jardin on peut également l’utiliser comme engrais vert.
- Et pour clore ce panégyrique, signalons la qualité de plante médicinale de l’arachide : son huile, en effet, est inscrite à la pharmacopée puisqu’elle sert de solvant médicamenteux.

Alors, décidé à tenter l’expérience cette année ?
Je crains un peu la réponse si elle est formulée à partir du nom anglais de noix : nut au singulier, nuts au pluriel.
Seulement voilà, les autres sens de nuts sont peu flatteurs, voyez vous-même : maboule, dingue, cinglé, ou are you nuts veut dire tu es fou ? ou encore des clous ! façon cavalière d’exprimer son objection, son refus, son veto même.

Libre à vous, mais songez que vous pourriez cet automne mettre sur la table des cacahuètes fraîches en proclament fièrement qu’elles viennent de votre jardin, ajoutant malicieusement de MON arbre à cacahuètes.

Léon

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