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Juillet 2014 : Salsifis ou scorsonères

lundi 30 juin 2014, par Léon

Voici deux légumes racines, classés dans deux genres différents par les botanistes, faisant partie de la famille des Astéracées (anciennes Composées), qui sont très proches l’un de l’autre, et que l’on confond généralement. Il est vrai que le nom du premier est couramment utilisé pour désigner également le second.

Expliquons-nous en commençant par le salsifis qui fait partie du genre Tragopogon. Ce genre contient quelque cent espèces annuelles, bisannuelles ou pérennes. Le nom est formé de l’ancien grec tragos, bouc, et pôgon, barbe, alors que le terme français salsifis proviendrait de l’italien salsifrica ou salsefica, lui-même d’origine inconnue. Il est apparu dans notre langue au milieu du XVIIe siècle.
Une seule espèce nous intéresse ici, T. porrifolius, originaire du sud de l’Europe et de l’Afrique du Nord, appelée salsifis, barbabouc ou encore salsifis à feuille de poireau.
Cette bisannuelle à feuilles alternes entières porte des fleurs violettes ou roses groupées en capitules, sa racine est lisse à chair blanc jaunâtre, ivoire. Sa tige élevée peut atteindre 1,20 mètres.
Le semis se fait à partir de début avril à fin mai, pas trop tôt afin d’éviter la montaison l’année même. On compte entre 75 et 90 graines (akènes bruns) au gramme, la germination dure 8 à 10 jours, espacement des plantes 10 cm, des lignes 25 à 30 cm. La durée germinative n’étant que de deux ans, utilisez de préférence des graines nouvelles ou gardez les reliquats dans le congélateur.
Veillez à maintenir le sol humide lors de la germination. La terre sera légère, ameublie en profondeur et dépourvue de cailloux qui feraient fourcher les racines.
Plantes des régions méditerranéennes, elles réclament un bon ensoleillement. La récolte se fait 170 à 220 jours après le semis.
Pour la fertilisation, utilisez de l’engrais NPK 100-150/100-150/200-250. Évitez le fumier frais, il fait également fourcher les racines. Mieux vaut l’appliquer l’automne précédent ou utiliser du compost bien décomposé.
L’arrosage, le sarclage et le binage sont ardemment demandés. Coupez les tiges florales près de la couronne dès qu’elles se forment, sinon la plante devient inconsommable.
La récolte se fait le plus tard possible en automne, idéalement après quelques bonnes gelées. Une des meilleures variétés : “Mammouth”.

Passons maintenant à la scorsonère qui, elle, fait partie du genre Scorzonera. Plus de 150 espèces annuelles, bisannuelles, pérennes ou plus rarement des sous-arbrisseaux le composent. Origine : bassin méditerranéen à Asie centrale. Son nom viendrait de l’espagnol escorzonera ou d’escorzon, nom d’une vipère très venimeuse contre la morsure de laquelle on utilisait le suc de la plante. D’après une autre origine le mot viendrait de l’italien scorza, écorce, et nera, noire.
Ici aussi une seule espèce nous intéresse : S. hispanica. Malgré son nom, la plante ne vient pas uniquement d’Espagne puisqu’elle croît spontanément dans une grande partie de l’Europe jusqu’au Caucase et l’ouest de la Sibérie. Ses noms français sont : scorsonère d’Espagne, racine noire, écorce noire, mais aussi salsifis noir, salsifis d’Espagne ou salsifis d’été.
Et voilà la confusion qui apparaît avec le nom salsifis qu’il vaudrait mieux éviter. Mais qu’importe, il faut faire avec et essayer de différencier quelque peu ces deux espèces si proches et pourtant différentes.

Si le vrai salsifis se présente en robe presque blanche, la scorsonère est bien noire. Le premier fleurit plutôt rose alors que la seconde arbore des fleurs jaunes. Le premier a un rendement plus faible que sa cousine, il est moins goûteux et a tendance à monter un peu vite.
Quelques petites différences qui font que la culture de la scorsonère a pris largement le pas sur le salsifis. En ce qui concerne les techniques de culture, elles s’appliquent pratiquement aux deux espèces, sachant que la scorsonère est aussi gourmande en eau et en soins que le salsifis, tel qu’expliqué plus haut.

Un légume de qualité
La scorsonère, indigène donc en France, est citée dès la moitié du XVIe siècle plutôt comme plante médicinale dont on boit le suc lors de morsure de vipères et autres animaux venimeux, ainsi que contre la peste. En outre on l’utilise en cas d’épilepsie, de vertiges, de troubles cardiaques et de bien d’autres maux. C’est probablement à ce titre qu’elle est d’abord cultivée.
Ce n’est qu’au milieu du XVIIe siècle qu’elle apparaît comme légume dont on consomme non seulement la racine, mais aussi les jeunes feuilles, soit cuites soit en salade. La racine a été employée comme la chicorée pour remplacer le café, les feuilles ont nourri les vers à soie.

Aujourd’hui, ce délicieux légume se trouve de moins en moins en frais, la préparation réclamant des manipulations un peu contraignantes. Les conserves sont plus pratiques, dommage.
On accommode les scorsonères de diverses façons : rôties au four avec éventuellement d’autres légumes racines, en potage, dans une béchamel, en omelette avec des œufs, nappées de crème et gratinées avec du fromage râpé, ou tout simplement crues.

Les bienfaits de la scorsonère et du salsifis

- Comme de nombreux autres légumes racines, nos compères contiennent de l’inuline, un sucre simple de type fructose, dont les bénéfices sur notre santé sont appréciables. De récentes études sur le cancer mettent en avant l’effet protecteur de ce glucide contre certaines formes de la maladie.
- Ce sont aussi des légumes riches en fibres alimentaires susceptibles de prévenir la constipation, des maladies cardiovasculaires, allant jusqu’au contrôle du diabète de type 2, et avoir une influence sur la régulation des lipides sanguins, dont le cholestérol.
- Crus, scorsonères et salsifis apportent de la vitamine B1, B5, C, du fer (pour l’homme seulement), du magnésium (pour la femme seulement), du potassium ; crus ou bouillis ils nous gratifient de vitamines B2, B6, de cuivre, de manganèse et enfin de phosphore.
Beau bilan, non ?

Un légume possédant de tels atouts devrait trouver meilleur accueil sur le marché, surtout en frais. Cependant, avec la mode des légumes oubliés, assisterons-nous à un retour en grâce de ces racines au goût incomparable, si fin ?
A mon avis ce serait souhaitable, le souvenir de mes années d’enfance où nous savourions ces bâtons noirs directement sortis de terre me hante encore un peu.

Léon

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