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Décembre 2013 : le cardon

samedi 30 novembre 2013, par Jean-Marc

Le cardon est en train de devenir sous nos yeux le parfait exemple du légume qui chaque année tombe un peu plus dans l’oubli. La faute en revient là aux consommateurs et à notre mode de consommation où il faut toujours plus du rapide et du tout prêt, c’est à dire l’inverse de ce que réclame un tel légume pour être bien apprêté et cuisiné.
Au rythme du cercle vicieux suivant, peu d’achat donc moins de distribution et donc encore moins de maraîchers qui en produisent, combien seront les jeunes français, dans quelques années, à connaître l’existence même de ce succulent légume sans parler de l’odeur si caractéristique de sa cuisson.

Il y a cependant quelques endroits où il fait de la résistance avec en premier la région lyonnaise et sa recette très renommée du cardon au gratin, la Provence où selon la tradition de Noël le cardon est mangé cru accompagné d’un anchoïade et enfin notre région où subsistent quelques hectares de production le long des berges, sur la moyenne vallée du Gardon (région de Cardet le bien nommé, Ribaute les Tavernes, Ners) où la carde trouve les terres profondes et alluviales descendues des Cévennes, qu’elle affectionne.

Ce légume oublié était pourtant déjà connu des Grecs et des Romains qui appréciaient fort ses pétioles. L’Afrique du Nord et la Sicile étaient aussi des régions de productions célèbres à tel point qu’à l’époque, il rapportait plus à ceux qui le cultivaient que tout autre légume du jardin.

En langage botanique, il se nomme « Cynara cardunculus ».
Avec une telle appellation il est donc difficile de renier ses origines et notre légume est bel et bien une espèce de chardon. D’ailleurs, s’il a de son cousin l’artichaut le goût et la ressemblance du feuillage, il a hérité de la paternité du chardon épineux, notamment pour les variétés anciennes telle le Cardon de Tours, de petites épines acérées sur le bord de ses côtes qui sont à l’origine du vieil adage paysan, employé presque toujours dans son sens figuré, qui dit « Qu’il n’y a pas de bon cardon sans épines ».

Les feuilles de cette plante sont extrêmement amères et on ne consomme donc que la douzaine de longs et épais pétioles produits par chaque pied.
La face externe de chaque pétiole est striée par une dizaine de nervures longitudinales dans lesquelles sont logés autant de « fils » qu’il convient de soigneusement enlever avant de les débiter en tronçons au moment de la cuisson.
Même ces pétioles seraient eux aussi difficilement consommables sans l’opération de blanchiment, sur pied, dès les premières gelées, qui les attendrit et leur fait perdre l’amertume.
Pour cela, on butte haut à 30 cm et l’ensemble du pied est ensuite entouré de paille ou de papier fort. Ainsi traité ce légume peut, après trois semaines, se consommer à tous moments pendant l’hiver.

C’est justement pour sa grande disponibilité au plus mauvais moment de l’année que cette plante vivace est cultivée comme une annuelle.
Laissée en place, elle produirait au printemps suivant de petites fleurs d’un beau bleu violacé, semblables à de petits artichauts et qui pourraient être consommées de la même manière.

Le cardon aime les sols profonds, riches en humus car c’est une plante vigoureuse qui peut atteindre 1,5 m de haut et qui demande une fumure abondante.
Dès le début mai, on peut repiquer des rejets ou mieux le semer directement en place en poquets de 5 graines distants d’un mètre en tous sens. Après la levée, rapide, on ne garde que le plus beau plant. Prévoir ensuite de bons arrosages en été pour que la plante se développe suffisamment pendant les chaleurs.

Pour les variétés, on trouve celles avec épines, les plus anciennes et goûteuses telles le Cardon de Tours et le Cardon argenté de Plainpalais, ce dernier surtout cultivé en Suisse.
Mais les semenciers ont créé des cultivars sans épines, variétés dites inermes, telles le Cardon Plein blanc, le Cardon vert de Vaux en Velin, le Cardon rouge d’Alger et le tout dernier le Cardon géant Gobbo di Nizza Monferrato.

A condition de ne pas être blanchi pendant trop longtemps, le cardon contient des sels minéraux, des vitamines A, B1, B2, PP et C. Il renferme aussi des protéines et des sucres (environ 12 %) dont l’inuline ce qui en fait un bon aliment pour les diabétiques. Il renferme aussi de la cynarine un principe qui a un fort pouvoir épurateur du foie.
Ainsi cette propriété lui permet de pouvoir être servi pour son goût comme légume de fête, il accompagne à merveille, par exemple, la dinde de Noël et d’après fêtes pour ses vertus hépatiques et apéritives.

Jean-Marc

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