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Octobre 2013 : Fagus sylvatica

dimanche 29 septembre 2013, par Jean-Marc

Quels sont ceux parmi vous qui cet été, lors de balades en forêt, ont remarqué l’importante fructification des cupules de hêtres ? Elle préludait à une exceptionnelle faînée, qui vient de tomber, comme il ne s’en produit qu’une tous les 5 à 8 ans.
Le printemps prochain verra donc naître massivement des petites plantules de « Fagus sylvatica L » qui vont jouer sur leur nombre pour s’auto protéger, plus tard se concurrencer pour mieux s’élever et se tenir à l’affût pour être, dans 40 ou 50 ans, l’élue qui prendra l’ascendant sur toutes les autres lorsque les dominants actuels ne seront plus là. Car cet arbre est aussi fragile et tordu quand il est jeune qu’il est puissant, droit et dominateur à l’âge adulte. Et l’alternance très espacée de sa production de graines est une stratégie de l’espèce pour disposer toujours de plusieurs bosquets de jeunes sujets prêts à prendre la relève.

Quelle raison, me direz-vous, de traiter dans cette rubrique d’un arbre qui n’a pas sa place dans nos jardins et qui d’ailleurs déteste l’atmosphère trop sèche et ensoleillée du Midi méditerranéen !
C’est justement pour ses graines nommées aussi faînes que nous traitons de lui car, à défaut d’être cultivées elles ont été ramassées et consommées par l’homme depuis des millénaires en France.

Le hêtre commun est souvent nommé « fayard » par dérivé de son appellation latine « fagus ».
Ce terme a aussi été souvent employé pour désigner, surtout en montagne où il est plus présent, des noms de lieux ou de village : la Fage, le Fageas, le Fau, la Fayolle, le Fayet, etc.
De la dizaine d’espèces composant le genre « Fagus » il est le seul à pousser naturellement en Europe d’où il est originaire. Mais il compte plusieurs variétés intéressantes dont le hêtre pourpre plus résistant à la chaleur, le hêtre pleureur ou encore le hêtre tortillard (Fagus sylvatica var.tortuosa) encore appelé « Faux de Verzy » aux formes particulièrement tourmentées et que l’on trouve à l’état naturel dans la forêt de Verzy au sud-est de Reims.

Fagus sylvatica est par contre un grand arbre, au tronc droit, à l’écorce lisse et argentée à l’âge adulte qui peut vivre jusqu’à 250 ans. Il couvre aussi 9% des surfaces boisées de France derrière le chêne et le pin. Dans le Midi son étage de végétation commence à partir de 800 m, en versant ombragé, alors qu’il pousse très bien jusqu’en plaine dans la moitié Nord de notre pays.
C’est une espèce monoïque (elle porte à la fois les fleurs mâles et femelles sur le même sujet) et anémophile (les fleurs apparaissent avant les feuilles et les abeilles rares en montagne à ce moment là, c’est le vent qui pollinise). Les fleurs femelles réunies par deux forment une coque hérissée de pointes, à l’intérieur de laquelle se logent trois graines ou faînes en forme d’amande triangulaire.

Ces faînes, très nutritives, ont un goût de mélange de noisettes et de châtaignes mais il est préférable d’enlever la peau brune qui les entoure. On peut aussi les faire légèrement griller ce qui rehausse leur goût et atténue leur inconvénient. En effet, consommées crues, ces graines contiennent une substance légèrement toxique, la fagine, qui absorbée en trop grande quantité peut provoquer des maux de têtes et des vomissements. Ces intoxications sont cependant assez rares et le seuil limite de consommation dépend de la sensibilité des individus.

En période de disette et notamment durant les deux guerres mondiales on faisait aussi avec ces graines, lors des années de bonnes récoltes, de l’huile de table qui ne présentait plus les inconvénients des graines puisque le principe actif de la fagine reste dans le tourteau. Elles étaient ramassées au balai, en octobre, puis triées à la main et pressées durant l’hiver. On en obtenait 1 litre avec 5 kg de faînes et cette huile avait bonne réputation car, loin de rancir, elle se bonifiait avec l’âge vers 4 ou 5 ans et se conservait même jusqu’à 10 ans. Comme il est plus facile, rapide et régulier de ramasser 5 kg d’olives que de faînes cette huile est actuellement tombée en désuétude.

Très exploité, le bois de hêtre est dur et très homogène. Mais il manque de souplesse et cassant ne convient donc pas aux charpentes. Il se travaille par contre très bien pour l’ameublement et reste un bois de tournage. Parmi les nombreux objets que l’on a fabriqué avec, vous vous souvenez peut-être des sabots qu’ont portés vos parents et plus sûrement des épingles à linge que vous avez utilisées dans les années 1970 avant que celles en plastique ne les supplantent. A noter que le bois provenant des hêtraies calcicoles est de meilleure qualité que celui qui pousse sur les autres terrains.

Enfin pour ceux qui auraient des difficultés à faire le distinguo entre la feuille du charme et celle du hêtre ils pourront toujours se référer au dicton suivant :“Le charme d’Adam est d’être à poil”. Ce qui peut se traduire par la feuille du charme a des dents et celle du hêtre des poils.

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