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Novembre 2012 : Crocus sativus, suite

jeudi 1er novembre 2012, par Jean-Marc

De tous temps les hommes ont été frappés par la rapidité avec laquelle la fleur de Crocus à safran sort de terre (voir article du mois d’octobre 2012 à ce sujet).
Cette rapidité a même influencé le cours de l’histoire puisque la légende raconte qu’en 326 avant notre ère, Alexandre le Grand, parti à la conquête vers l’est et la Chine, installa, un soir d’automne, son campement sur une vaste prairie bien dégagée du plateau du Cachemire d’où l’ennemi ne pouvait le surprendre.
Le lendemain, au réveil, son armée se retrouva sur un tapis de fleurs mauves poussées magiquement partout, durant la nuit, sous les tentes et les pieds des chevaux. Ignorant la botanique du Crocus sativus, tous ses soldats crurent à un maléfice et refusèrent d’aller plus avant.
Alexandre le Grand mit ainsi fin à sa conquête, vaincu par une petite fleur violette dont il découvrit par la suite toutes les vertus comme épice et comme remède contre les blessures.

Le mois dernier, nous nous sommes arrêtés à l’émondage des fleurs de crocus.
Une fois ce travail terminé, vient ensuite l’étape du séchage des stigmates sans laquelle le safran serait inutilisable et qui conditionne sa conservation pouvant durer plusieurs années. Cette opération est à l’évidence la partie la plus délicate du travail du safranier et c’est elle qui fait la différence entre un bon et un excellent safran.
Elle a intérêt à être rapide et, plutôt que de se fier aux humeurs du soleil ou à la chaleur, beaucoup de producteurs utilisent des déshydratateurs à température contrôlée.
Au séchage, le safran doit perdre 80% de son poids et les stigmates doivent ressortir légers, raides, cassants et rouge sang. Si la durée de l’opération est longue, le safran aura une saveur épicée et, au contraire, s’il sèche rapidement cette saveur sera safranée.

Les principes aromatiques du safran s’estompent doucement avec le temps et durent au moins trois ans. Il convient de le conserver au sec, à température ambiante et à l’abri de la lumière en boîte métallique ou en récipient en verre opaque à bouchon de liège.
Il est conseillé de laisser reposer le safran dans son récipient fermé hermétiquement au moins un mois après récolte.

Bien que possédant un appareil reproducteur des plus complets et des plus voyants, le Crocus sativus est une plante stérile car son pollen ne le féconde pas.
Concernant l’apparition de son type originaire, on pense qu’il s’agit d’une hybridation naturelle. Le seul moyen de le multiplier est donc végétatif avec la production de bulbes.
Ce bulbe est appelé cormus pour celui qui va donner feuilles et fleurs, pendant qu’un autre bulbe de même taille va se substituer en se superposant, au printemps, à celui de l’année pour assurer la production de l’année suivante. Simultanément, à la périphérie de l’ancien, plusieurs petits bourgeons vont également se transformer en bulbilles appelés cormus fils, pour multiplier la plante.
Ce mode de reproduction a vite fait d’envahir et d’épuiser le sol et une planche de safran dure au maximum cinq ans avec un délai de rotation égal à celui de la plantation.

Comme toutes les bulbeuses, cette plante n’aime pas les terres humides et préfère les terrains perméables, légers, riches en humus avec des expositions chaudes en été et ensoleillées en hiver.

Les soins à apporter sont légers et concernent surtout le désherbage entièrement manuel et en deux ou trois passages.
Les bulbes sont mis en terre de juillet à fin août, enterrés entre 12 et 15 cm en profondeur, 15 cm sur la ligne et en rang espacés de 30 cm.
Pour ceux qui n’ont pas la place nécessaire, il est possible quand même d’avoir quelques pieds de safran que l’on peut placer en container.

Plus le bulbe est gros, soit 2 ans de pépinière, plus il cher.
Il faut compter environ 1 € le bulbe. Ceux provenant d’Espagne ou du Maroc sont moins cher mais de moins bonne qualité.
On peut trouver des bulbes à l’achat sur internet sur le site www.boutique-safrandefrance.fr et obtenir ainsi quelques stigmates.

Depuis l’antiquité, le safran s’est paré de nombreuses vertus, comme épice, comme plante médicinale aux usages très variés.
Ainsi on l’a utilisé contre la migraine, le mal aux dents, la tristesse excessive, la petite vérole, les troubles circulatoires, les infections oculaires, les crampes, l’asthme, les hématomes, les règles douloureuses. Il est aussi stimulant, antispasmodique, euphorisant, digestif, analgésique et aphrodisiaque.
Mais le safran était aussi connu des anciens pour ses qualités tinctoriales et ses pigments jaunes ont empreint les bandelettes des momies pharaoniennes, les tapis persans et ont été utilisés par Michel Ange sur les murs de la Chapelle Sixtine.

Pour l’odeur, pas moins de 35 extraits identifiables contribuent à l’arôme du safran à la composition chimique si complexe que l’on a renoncé à la synthétiser.

Jean-Marc

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