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Arctotheca calendula

lundi 11 mai 2020, par Emile

Cet article est la compilation d’un échange de messages intervenu sur le groupe de discussion Framalistes d’Hortus.

Arctotheca calendula est une Astéracée jaune que nous avaient aimablement donnée, l’an dernier, les propriétaires du jardin du Mas des pivoines, à Grasse, lors de notre visite, le 15 mai.

1. Aspect général d’un peuplement d’Arctothèque
2. Aspect d’un stolon et ses rosettes de futures plantes. Le stolon a été souligné avec des pointillés.

C’est une plante annuelle, selon Flore Med, une vivace, selon Wikipedia  !!
A St-Gély, elle a très bien supporté notre hiver doux de 2019. Elle est originaire d’Afrique du Sud. Selon Flore Med, on la trouve à l’état sauvage dans l’Hérault et le Vaucluse et de-ci de-là dans les jardins de la zone méditerranéenne. Elle est en fleur pendant une bonne partie de l’année ; ses capitules jaunes mesurent 4 à 5 cm de diamètre (Fig. 3).

3. Vue d’un capitule
4. Jeune rosette et un nouveau stolon en cours de développement
5. Stolon, rosettes et racines
6. Aspect dense et touffu d’un peuplement d’Arctothèque.
Figure 5 : Au niveau de chaque feuille d’un stolon, se développent en surface, une jeune rosette et en dessous, de jeunes racines.
De la sorte, chaque jeune rosette peut s’enraciner facilement et devenir indépendante de la plante mère.
  • J’ai été impressionné, chez cette plante, par son pouvoir d’expansion (Fig. 1). Il est dû à un système de multiplication végétative original et très performant. Elle développe comme beaucoup d’autres plantes (Fraisier, Chlorophytum comosum, Saxifraga stolonifera) des stolons aériens (pointillé, Fig. 2).
  • Cependant, les stolons de l’Arctothèque sont eux, aériens et feuillés, ce qui les distingue de ceux des plantes citées précédemment. A l’aisselle de chaque nouvelle feuille du stolon, se différencient, en surface, une rosette foliaire (Fig. A et Fig. 4 rosette et jeune stolon) et, en dessous, des racines (Fig. 5).
Fig. A : le stolon dessiné est une tige horizontale qui possède 5 feuilles alternes.
A l’aisselle de chaque feuille, une nouvelle rosette se développe qui donnera plus tard une plante.
Notez qu’au niveau de la feuille 3, un nouveau stolon s’est développé, en plus de la rosette.
 
Fig. B : Développement schématique d’une plante.
A partir d’une rosette initiale, on observe la progression de 3 stolons principaux, qui peuvent se subdiviser en stolons secondaires, tertiaires, etc…
  • Ce sont donc des stolons aériens feuillés qui constituent le réseau de nouvelles plantes. Un stolon peut présenter une quinzaine de feuilles et donc, potentiellement, une quinzaine de rosettes, et ce n’est pas fini, car la croissance continue (Fig. B).
  • Chaque nouvelle plante issue d’une rosette va à son tour développer de nouveaux stolons, et ainsi de suite. Le développement des stolons et des rosettes constitue, après un an de culture, un réseau inextricable à la surface du sol (Fig. 6).

En résumé,
1) l’Arctothèque possède un très grand pouvoir de multiplication :
- 3 pieds en 2019, et un an après environ, au moins une centaine de pieds. Il est très difficile d’évaluer avec précision le nombre de pieds tant le tapis d’Arctothèque est dense et touffu.

2) L’Arctothèque est un couvre-sol qui possède un grand pouvoir d’occupation du sol :
- En un peu moins d’un an, la plante a colonisé au moins 12 fois plus de terrain que la surface d’origine.

Cette multiplication végétative par la voie de stolons assure donc la fabrication de nouveaux individus viables sans passer par la reproduction sexuée (donc sans les fleurs et les graines qu’elles produisent). Tous ces rejetons issus d’un même pied portent le même génotype que le pied mère dont ils sont issus via les stolons : aussi parle-t-on de reproduction clonale.

Cette capacité singulière des stolons aériens soulève de nombreuses interrogations.
En voici quelques-unes :
- Quelles sont les relations de solidarité entre la plante mère et les plantes filles d’un même stolon ? Si une plante fille se trouve dans un espace particulier (carence en azote, excès de fer, de métaux lourds, etc…) ses « sœurs » ou sa mère peuvent-elles intervenir ?
- Quelles sont les relations physiologiques entre les stolons d’une même plante mère ? Autrement dit, y-a-t-il des relations d’indépendance ou au contraire des interactions entre stolons ? Par exemple, si on sectionne un stolon, existe-t-il des conséquences chez les autres stolons ?
- La plante fleurit abondamment et produit des fruits. Comment concevoir dans cette espèce, les relations entre la reproduction sexuée et la multiplication végétative par stolons ?
- Chez beaucoup d’Astéracées, on observe un phénomène d’apomixie (clonage par voie de fruits de la plante-mère). Est-ce le cas ici ? Si oui, cela voudrait dire qu’il y a deux types de clonage ?

La période de confinement se termine bientôt, souhaitons que le déconfinement progressif que l’on nous promet, nous laisse encore d’autres moments de réflexion. Si vous avez d’autres sujets d’interrogation, ou si cette plante vous intéresse, nous pouvons apporter quelques échantillons… au prochain troc d’Hortus.

Emile


Contribution de Roland :
En farfouillant sur Internet, j’ai lu un article à propos de cette plante sur un site "Botany One", pas vraiment une revue en ligne, mais plutôt un site de commentaires botaniques ou de brefs communiqués.

L’article est en anglais. Il fait penser que la reproduction sexuée est quand même importante pour Arcotheca, au moins dans le contexte désertique d’Afrique du Sud.
En bref, voilà ce que çà dit. Cette fleur et d’autres "marguerites" fleurissent très brièvement dans le désert du Namaqualand en Afrique du Sud. Elle a un problème car si sa couleur lui permet d’attirer les insectes pollinisateurs, elle attire aussi les tortues qui la dévorent.
Les auteurs de l’article ont observé que les fleurs s’ouvrent au moment de l’activité des pollinisateurs et se referment quand les herbivores sont actifs, les rendant moins visibles. Ceci leur permettrait de résoudre leur dilemme. Ce que ne dit pas l’article, c’est ce que dit Emile, c’est-à-dire que les stolons pourraient suffire pour qu’elle survive et qu’elle semble pouvoir se passer de pollinisation ?

Réponse d’Emile :
Merci Roland de nous faire partager cet article. En somme, il nous apprend que les capitules de l’Arctothèque sont mangés par les tortues. Heureusement, comme tu le dis, la plante possède une roue de secours très utile. Les stolons lui permettent de se multiplier sans fleurs.
Il serait intéressant de connaître exactement cette pression exercée par les tortues, pour savoir si au cours du temps elle n’a pas favorisé ou développé ce clonage.

Je suis moins convaincu, en revanche, par ce que disent les auteurs sur la relation de cause à effet annoncée, entre la fermeture des capitules et la présence de ces herbivores. En France, on connaît beaucoup de plantes, comme la dame de onze heures (ornithogale) et le salsifis, par exemple, qui ne s’ouvrent que le matin et, que je sache, ne sont pas connues pour avoir des prédateurs pendant les heures de fermeture ?

Contribution de Chantal G. :
Comme le temps est couvert aujourd’hui, je viens d’aller vérifier sur place : les fleurs sont effectivement fermées et les abeilles ne sont pas de sortie.
J’ai obtenu Artotheca calendula lors d’un échange de plantes de Sète Côté Jardin. Je pensais qu’elle ne supporterait pas nos hivers. Que nenni ! Elle ne s’étale pas trop vite, car, là où elle est plantée, on la piétine un peu pour avoir accès au robinet d’eau.
Je suis très satisfaite de l’avoir planté à cet endroit très difficile, caillouteux et toujours envahi de mauvaises herbes. Depuis, Arctotheca me rend bien service car plus rien d’autre ne pousse à côté. Elle me fait bien le ménage.

Voilà un challenge qui me plaît beaucoup dans le jardinage : la bonne plante au bon endroit !

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