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Expérience de culture sur 5 ans dans un jardin potager

dimanche 12 février 2012, par Annie, Michèle

Notes sur la conférence de Gérard Chave du 11 février 2012

Gérard Chave nous propose d’expérimenter une pratique culturale élaborée dans le but de se rapprocher le plus possible des mécanismes observés dans la nature (particulièrement dans les forêts de feuillus) et qui réponde à nos besoins (rappel : on nourrit le sol et non la plante).

A l’aide de beaux schémas, Gérard a d’abord expliqué les cycles de formation du sol et de la nutrition des plantes.

LE SOL

Le sol est un milieu vivant et complexe, constitué essentiellement d’argile, de sable, d’humus et d’organismes vivants. Leurs proportions varient suivant la qualité du terrain.

  • L’argile, substance minérale du sol, provient de la désagrégation de la roche-mère sous-jacente. Leur extrême importance dans le sol tient à leur nature colloïdale et à leur structure en feuillets qui permet de mettre en réserve les éléments nutritifs du sol et d’offrir un contact étroit avec les microbes du sol.
  • L’humus, substance organique du sol, provient de la décomposition en surface de la litière, c’est à dire des feuilles, des déchets végétaux et animaux divers. Cette décomposition provient de l’action combinée des organismes vivants contenus dans le sol. Sa nature colloïdale en fait, avec l’argile, le réservoir des substances nutritives du sol indispensables à la croissance des végétaux et la source de stabilité du sol. L’humus est une matière souple et aérée, qui absorbe et retient bien l’eau.
  • L’association de l’humus avec l’argile produit le complexe argilo-humique (CAH) qui est un véritable réservoir d’éléments nutritifs pour les plantes.

Dans un sol en bonne santé, les organismes vivants sont très nombreux. On peut trouver :

  • Des petits mammifères comme les rongeurs creusent des galeries qui permettent à l’eau et à l’air de pénétrer dans le sol.
  • Des invertébrés comme les cloportes, les araignées, les mille-pattes, les vers, les collemboles... se répartissent en 3 grands groupes qui ont chacun un rôle différent :
    • Les épigés vivent dans la couche superficielle du sol, se nourrissent de la litière de surface, la broient et produisent des matières qui seront attaquées par les microbes et transformées en humus.
    • Les anéciques sont les grands vers de terres, les lombrics. Ils circulent verticalement de la profondeur vers la surface. Ils brassent continuellement le sol profond riche en argile, avec le sol de surface riche en humus.
    • Les endogés vivent dans la couche profonde du sol et se nourrissent presque exclusivement de racines mortes. Grâce à eux, ces racines sont décomposées et laissent la place à l’eau, à l’air et aux nouvelles racines.
  • Des micro-organismes comme les microbes, les bactéries et les champignons. Les champignons sont les seuls capables de dégrader la cellulose de la paille et la lignine du bois des végétaux en décomposition dans la litière.

LES PLANTES

Pour se nourrir, les plantes ont la particularité de prélever leur nourriture dans 2 milieux : l’atmosphère et le sol.

- Les éléments constitutifs de la plante qui proviennent de l’atmosphère sont le carbone, l’oxygène, l’hydrogène et l’azote. Ils représentent 92 à 98% du poids sec de la plante. C’est par la photosynthèse de ces éléments que les feuilles, en présence du soleil, produisent des sucres nécessaires à la nutrition de la plante et de l’oxygène rejeté dans l’atmosphère.

- Le sol contient des éléments vitaux pour la plante (par exemple, le potassium, le phosphore, le calcium, le magnésium, le cuivre, le zinc...) et des oligo-éléments accessoires ou de rôle mal connu (lithium, sodium, fluor, silicium...). Ils représentent 2 à 5% du poids sec des plantes. Ces éléments sont captés par les racines. Le sol contient également de l’eau, elle aussi captée par les racines.

Après avoir pris connaissance des caractéristiques du sol et des plantes et de leurs relations, on comprend qu’il est important pour le jardinier d’adopter des pratiques culturales qui vont permettre au sol de conserver son humus.

PRATIQUES DE CULTURE POUR NOS JARDINS

La principale observation dans le processus de la nutrition des plantes pour leur développement harmonieux est l’importance de la diversification des éléments recherchés et l’apport progressif de ces éléments pendant leur croissance.

Si on part d’un sol pauvre et compacté, il faut provoquer la formation accélérée d’un complexe argilo-humique propre à la culture et à la formation des substances colloïdales nécessaires à l’alimentation des plantes.
Pour cela, on étale d’abord une couche de 3 cm de compost complètement décomposé (préparé un an auparavant avec végétaux, fumier…).
Ensuite, on passe ce terrain au motoculteur ou à la bêche de façon à mélanger terre et compost sur une profondeur de 25 à 30 cm pour créer une approche de ce qui va constituer la zone argilo-humique.

On laisse reposer 1 mois pour favoriser l’action des organismes vivants contenus dans cette zone argilo-humique.
Au bout de ce délai, la terre se transforme, elle devient plus souple et sa texture s’affine.

Ensuite on va recouvrir cette terre de 3 couches de litière. Chaque couche d’une épaisseur d’environ 3 cm a une composition et une structure différente :

  • 1re couche : humus totalement décomposé (compost de 6 mois identique à celui qui a été mélangé à la terre)
  • 2e couche : compost ½ décomposé (1 mois)
  • 3e couche : couverture de matière non décomposée, encore vivante, composée de matières fraîches avec paille et BRF (Bois Raméal Fragmenté).

Cette pratique va permettre une alimentation progressive de la terre où la plante trouvera les éléments dont elle a besoin pour se développer en tout temps et toutes circonstances, sans jamais bouleverser le sol. Ainsi la flore du sol se constituera dans un ordre naturel avec une libération progressive et constante des éléments qui se dégagent de la matière organique.
En adoptant cette pratique de culture, il ne sera plus nécessaire de labourer ou de bêcher le terrain.

Chaque année, on peut régénérer la litière à l’automne (et même 2 fois par an) en y ajoutant une couche de BRF (avec de la paille pour la cellulose, du bois pour la lignine, des broyats végétaux, feuilles et herbes pour la matière azotée indispensable au bon développement des bactéries agents de la décomposition).
Plus les apports sont diversifiés, meilleurs sont les résultats.
On peut étaler également cette litière sur les allées du potager. Il n’y a pas de risque de compactage dû au piétinement.

Gérard appelle cette couverture la Litière Permanente Alimentée (LPA).

Une culture ainsi préparée ne demande qu’un arrosage très modéré.
L’arrosage peut se faire par aspersion au tuyau ou de façon automatique par micro- aspersion pour que tout le sol soit mouillé même entre les plantes, le matin ou le soir de préférence, pour limiter les chocs thermiques. Le goutte-à-goutte n’est pas adapté.
Le sol doit être juste humide. L’eau est maintenue par le complexe argilo-humique, elle filera dans la terre par les galeries des vers de terre. Les champignons et bactéries nécessaires à l’assimilation des différents éléments par les racines des plantes pourront se développer et travailler en collaboration avec les organismes du sol et les végétaux.

- Pour la plantation : écarter les couches non entièrement décomposées et planter votre petit plant. Lorsque la plante se développe, remettre la couverture autour du pied.

- Pour les semis fins : dégager le manteau de la litière non décomposée (beaucoup de mucilages difficiles à écarter), semer dans 6 ou 7 cm dans la partie décomposée, gratter pour enterrer la graine et saupoudrer avec la partie 1/2 décomposée.

REMARQUES

- On peut observer de fines racines se développer dans des zones où la décomposition n’est pas arrivée à son terme, enlacées parmi les mycéliums des champignons. Cela peut paraître anachronique. En effet, cette zone contient de nombreuses substances (issues des métabolismes des agents de la décomposition) toxiques pour les plantes.
Ce phénomène intervient au moment où la plante atteint un certain stade de maturité, notamment la fructification. Peut-être est-elle, à ce moment là, en quête d’éléments vivants (vitamines, agents de croissance.) qu’elle ne serait pas susceptible de trouver dans une zone plus minérale.
Cette observation n’a pas été faite sur des cas isolés mais de manière générale.
C’est une voie à explorer.

- Après la récolte, on a intérêt à couper les pieds des plantes au ras du sol, sans les arracher. En se décomposant dans le sol, les racines favoriseront l’aération et le drainage des couches profondes du sol.

BIBLIOGRAPHIE

Le jardin potager biologique, Claude Aubert, Editions Le courrier du livre

L’agriculture biologique, Claude Aubert, Editions Le courrier du livre

Le sol, la terre et les champs, pour retrouver une agriculture saine, Claude et Lydia Bourguignon, Editions Sang de la terre

La fécondité du sol, Hans Peter Rusch, Editions Le courrier du livre

Les mycorhizes des arbres et des plantes cultivées, D.J. Strull, Editions Techniques et documents Lavoisier

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