Hortus
Accueil > Culture et savoirs partagés > Soigner les plantes par les plantes

Soigner les plantes par les plantes

jeudi 1er mars 2012, par Michèle

Compte rendu de l’intervention de Dominique Puechlong-Ruckly du 18 septembre 2010

Des Plantes pour soigner les Plantes

Véritables usines chimiques en miniature, les racines, les tiges, les feuilles, les fleurs, les fruits synthétisent ou accumulent de très nombreuses molécules complexes. L’homme utilise depuis la nuit des temps cette ressource pour se soigner, et la liste des plantes médicinales est impressionnante sur chaque continent Depuis quelques siècles, ces ressources ont été utilisées pour protéger les cultures des ravageurs.
L’arrivée des insecticides chimiques de synthèse a semblé sonner le glas de ces produits. Mais l’impasse à laquelle ils ont conduit amène des jardiniers souhaitant protéger leurs cultures sans empoisonner la nature ni leur assiette à rechercher dans cette chimie végétale des solutions naturelles à leurs problèmes.

Préparations, conseils et mode d’emploi proposés par Dominique Puechlong-Ruckly

Purins : extraits végétaux fermentés
Les purins sont des macérations de plantes au soleil. Le jus recueilli est un cocktail organique et minéral qui a un effet nourrissant et/ou soignant.
Ils rééquilibrent le sol et les plantes souvent carencées en oligoéléments. Les plantes puisent dans le sol toutes sortes de minéraux qu’elles restituent dans leurs purins. Grâce à l’activité organique bactérienne de la fermentation des purins, tous ces éléments sont plus facilement assimilables par les plantes. Le déroulement de la fermentation est très important. Une fermentation mal conduite peut rendre un purin inefficace voire nocif. Sa conservation est tout aussi exigeante : conserver à l’abri de la chaleur et de la lumière.

Trucs et astuces
Conseil pour l’élaboration des purins :
- En général, il faut 1 kg de matière fraîche pour 10 litres d’eau. Il est impératif d’utiliser de l’eau qui ne soit ni calcaire, ni chlorée. Si possible prenez de l’eau d’un puits ou de pluie, plutôt que l’eau du robinet qui contient du chlore.
- Le temps de macération varie en fonction de la chaleur extérieure, de 5 jours à 1 mois.
- Il faut arrêter la fermentation (avant de passer à l’état de putréfaction), juste au moment où les petites bulles blanches qui remontent à la surface, lorsqu’on remue, disparaissent.
- Filtrer très finement ces préparations avant de les utiliser pour éviter de boucher la buse du pulvérisateur : après avoir enlevé le plus gros, passez d’abord à travers un tissu, puis filtrer avec un vieux bas nylon ou un linge fin.
- Puis conserver dans des récipients bien pleins à l’abri de la lumière et de la chaleur (se conserve ainsi un an)
- S’utilise toujours dilué de 5 à 30% avec de l’eau de pluie.
- Vous pouvez ajouter 1 cm3 (soit 1 millilitre) de savon noir liquide, ou 10 grammes de savon blanc de Marseille râpé, par litre de préparation, pour augmenter la répartition et l’accroche des gouttelettes, notamment sur des feuilles cireuses comme celles du chou. Dans ce cas, utilisez absolument de l’eau de pluie, ou du moins une eau non calcaire.

Règles générales de pulvérisation : les moments importants
- Pour stimuler : on pulvérise le matin ou on arrose au pied le soir.
- Pour traiter contre des insectes : on pulvérise le feuillage le soir car les insectes sont plus réceptifs aux traitements en fin de journée.
- Pour traiter des maladies : on pulvérise le feuillage quand on veut. Dans tous les cas, on ne traite pas en plein soleil par temps de canicule, ni lorsque les plantes souffrent de la sécheresse. Si les plantes ont soif, on arrose toujours copieusement la veille.

NB : Ces produits sont naturels, simples et sans danger pour les animaux domestiques, mais il faut les utiliser raisonnablement. Trop de purin d’ortie peut avoir des effets inverses (blocage de la croissance), les purins, de par leur acidité peuvent brûler les plantes s’ils sont mal dilués ou pulvérisés à des périodes trop chaudes de la journée.


L’ORTIE

L’utilisation du purin d’ortie peut être rapidement efficace au jardin potager (effet engrais), mais c’est sur le long terme qu’on peut mieux percevoir ces effets au jardin d’ornement et au verger.
Les résultats se confirment d’année en année, le feuillage et de plus en plus vert, brillant et résistant pour les arbres fruitiers et les arbustes décoratifs. Les plantes résistent mieux aux gelées de l’hiver et une pulvérisation de purin juste après la grêle a un effet cicatrisant. Les attaques de pucerons disparaissent très nettement, par exemple, les feuilles de rosiers semblent devenir toxiques aux pucerons.
Des expérimentations ont montré qu’il augmente et prolonge la floraison. La fructification est plus abondante, les récoltes se conservent mieux, les fruits et les légumes ont plus de goût.
Au jardin, observer est important pour se faire sa propre idée de ce qui est urgent et de ce qui peut attendre. Le purin d’ortie, par son activité bactérienne, a des effets sur le déclenchement des mécanismes de défense des plantes face aux différents agresseurs. C’est pourquoi il est préférable d’anticiper les soins.

Il est bon de s’en tenir à quelques règles :
- Faire un traitement d’hiver avant la floraison sur les arbres fruitiers et les arbustes d’ornements,
- Apporter du purin lors des plantations et des repiquages au jardin,
- Au début de la fructification au verger comme au potager dès qu’il y a des besoins nutritifs importants,
- Au moment des changements de temps, pour soutenir les plantes face au contraste des variations de température, par exemple en avril ou mai, lorsque les dernières gelées alternent avec des fortes chaleurs dans la journée ou avant les canicules d’été,
- Eviter les périodes précédant les récoltes.

Mode d’emploi du purin d’ortie
En arrosage aux pieds des plantes, dilution 10% à 20%.
En pulvérisation sur la plante (tronc, branches, bourgeons, feuilles),
dilution 5%.

Période d’utilisation
- Automne-fin d’hiver : traitement par pulvérisation sur le sol pour une meilleure décomposition du végétal au jardin. Sur les arbres fruitiers et arbustes d’ornements, en préventif, dilution 5%.
- Au printemps et en été : arrosage du sol avant semis au potager, dilution 20% : épandage de fond.
- Puis pulvérisation des jeunes semis au potager, des arbres fruitiers après floraison, dilution 5%.
- Arrosage pendant et après le repiquage des plants, dilution 10%. Par la suite, traitement environ toutes les 2 semaines (action fertilisante et préventive), en arrosage dilution 10%, en pulvérisation dilution 5%.

Trucs et astuces
NB : On peut aussi garder en tête les deux principes simples suivants :
- Pour les traitements d’urgence : pulvériser 3 fois en 10 jours,
- Pour les traitements d’entretien : arroser ou pulvériser 1 fois tous les 15 jours, pendant 1 mois et demi (3 traitements).

Dosage conseillé par rapport aux surfaces traitées :
- En pulvérisation : 1 litre de purin d’ortie dilué dans 20 litres d’eau (5 %)
couvre environ 500 m2 de plantation.
- En arrosage : pour une dilution à 10 %, 1 litre de purin d’ortie dilué dans 10 litres d’eau (environ un arrosoir) couvre 10 mètres linéaire de culture ;
pour une dilution à 20%, 5 mètres. Même si la pulvérisation est plus contraignante, elle est beaucoup plus économe en produit et l’action stimulante par le feuillage est spectaculaire.


LA CONSOUDE

Dans le savoir populaire, il est dit que la consoude redonne de la force aux plantes affaiblies.
Étymologiquement, Consoude vient de consolider, d’où ce sens de souder, réparer autant les hommes que les plantes (elle était utilisée autrefois pour soigner les fractures et les plaies ouvertes).
Le souci du jardinier est de nourrir ses plantes en leurs apportant 3 éléments dits fondamentaux l’Azote (N), le Phosphore (P), la Potasse (K).
L’ortie est reconnue pour son apport important d’Azote (N). La consoude, elle, est reconnue pour apporter plus de Potasse (K). La richesse du purin de consoude peut être comparable à celle du fumier grâce cette forte teneur en potasse. C’est pour cela qu’il est conseillé pour la fructification et l’épaississement des plantes (troncs).
Comme l’ortie, la consoude par sa puissante racine est capable de remonter du plus profond du sol toutes sortes d’éléments minéraux tels que le Calcium, le Magnésium, le Fer, le Bore, le Zinc, le Cuivre, le Manganèse.
Elle stocke ces éléments dans l’importante masse de feuilles qu’elle développe en une énorme touffe (consoude dite « de Russie »). Le suc des feuilles de consoude contient des principes actifs qui favorisent la multiplication des cellules et peut être utilisé comme cicatrisant après la taille des arbres.

Quelques conseils pour la culture de plants de consoude :
- Ne pas hésiter à faucher régulièrement les pieds de consoude au ras du sol pour une meilleure floraison et un développement plus important du plant.
- Pour la fabrication du purin, couper les feuillages et les tiges florales juste après le gros de la floraison.
- Comme pour l’ortie, mettre une poignée de feuilles dans le sillon de plantation des pommes de terre et au pieds des tomates, ou étendre sur le sol pour couvrir et s’en servir de mulch.
- Les feuilles de consoude fraîche sont un bon accélérateur de compost.

Mode d’emploi du purin de consoude
- En arrosage : en épandage aux pieds des plantes, dilution à 20%.
- En pulvérisation foliaire : dilution à 5 %

Période d’utilisation
Dilution à 20 % en arrosage : au printemps en démarrage de végétation
- Au sol pour la préparation d’un semis,
- Ou aux pieds des plants, au moment du repiquage (tomates, aubergines, courgettes,etc....), aux pieds des pommes de terre, des plants de petits fruits, au verger...

Dilution à 5% en pulvérisation : jusqu’à l’automne en entretien pour la période de pleine végétation
- Pulvérisez des plantes exigeantes en azote : jeunes plants, poireaux, choux , épinards ;
- Et aussi sur les plantes à fruits au potager et au fruitier, régulièrement en alternance avec le purin d’ortie (effet complémentaire : floraison, feuillage, soin préventif).


LA PRELE

La prêle, dite « mauvaise herbe des jardins », recèle pourtant des vertus cachées grâce à une forte concentration en silice, élément précieux qui s’oppose par un effet de lumière à la multiplication des champignons sur les plantes et renforce la résistance des plantes en durcissant la cuticule des feuilles.
Une pulvérisation de purin ou de décoction de prêle est efficace contre la rouille du haricot, contre le mildiou de la pomme de terre et de la tomate, contre la pourriture de la laitue.
On conseille de faire tremper les pommes de terre une demi-heure dans une décoction de prêle et de les rouler ensuite dans de la poudre de roche avant de les planter.
L’utilisation de la prêle permet de réduire l’emploi du cuivre qui à la longue stérilise la vie du sol. 3 ans de traitement sont nécessaires mais efficaces pour venir à bout du monilia (fruits momifiés) et de la rouille du prunier. Pour la cloque du pêcher, il faut traiter à partir du gonflement des bourgeons puis faire 2 passages à 8 jours d’intervalle à chaque développement de la maladie.
Souvent la prêle est associée avec l’ortie pour des effets complémentaires :
- Oïdium sur melon, on conseille 3 passages tous les 15 jours à partir du stade « deux feuilles »,
- Phytophthora du fraisier, 3 pulvérisations tous les 15 jours avant la floraison.
- On connaît aussi des effets répulsifs de la prêle sur le ver du poireau et sur les araignées rouges.

NB : il peut être intéressant d’utiliser un calendrier lunaire pour optimiser les effets des interventions du jardinier sur les plantes.
De nos jours, beaucoup de revues sur le jardin éditent des calendriers lunaires, mais leur interprétation n’est pas toujours évidente. L’alternance de lune croissante et décroissante (pleine lune, lune noire) est souvent confondue avec celle de la lune montante et lune descendante (printemps lunaire, automne lunaire).
Pour se faire une idée plus approfondie de quelques uns de ces rythmes, il y a le calendrier des semis d’après Maria et Matthias K. Thun du Mouvement de Culture Bio-Dynamique.

Mode d’emploi du purin de prêle
Dilution 10% à 20% en fonction de la rusticité de la plante. Le purin est un produit agressif qui peut brûler les tissus fragiles. Pulvérisez sur la plante et/ou sur le sol aux pieds des plantes.

Conseils d’utilisation
En hiver : traitez les arbres fruitiers juste avant l’ouverture des bourgeons (pêchers).
Au printemps :
- Pendant la période de croissance du jardin, traitez régulièrement et de façon préventive, tous les 15 jours.
- En cas d’attaque sévère, traitez 3 fois en 10 jours, en diluant plus le produit (5 à 10%).
En automne : à la chute des feuilles, pour une meilleure décomposition du végétal, pulvérisez les arbres, le potager, en association avec le purin d’ortie.

Trucs et astuces
Conseils pour les plantes d’intérieur :
Utilisez le purin d’ortie et de consoude en alternance, pour stimuler la végétation (purin d’ortie), et accroître la masse végétale (purin de consoude).
Dilution 2 à 3% en arrosage. Il n’est pas nécessaire d’en mettre très régulièrement : il faut attendre et regarder. Si vous pouvez sortir vos plantes aux beaux jours, une pulvérisation à 5 % sera autant efficace.
NB : attention, produit malodorant, prendre les précautions nécessaires pour ne pas éclabousser lors de l’utilisation à l’intérieur des maisons. Toujours utiliser sur terre déjà humide.


LA FOUGERE

Le purin de fougère est efficace contre les pucerons et la plupart des insectes. Il est également répulsifs pour les fourmis, limaces, escargots.
Il existe de nombreuses espèces de pucerons qui hivernent sous forme d’œufs dans les bourgeons, dans les fentes des écorces des arbres ou encore dans le sol, attendant les beaux jours pour se développer et se multiplier.
Mais si il est parfois nécessaire d’intervenir en urgence, il faut aussi prendre des mesures à long terme :
- Une fumure trop azotée crée un afflux de sève au démarrage des plantes et une attaque de pucerons.
- Taillez en douceur, la reprise massive d’un arbre après une taille trop sévère attire aussi les pucerons.
- Pensez à favoriser les auxiliaires en créant des haies variées, des taillis et autorisez la broussaille à s’installer dans un coin du jardin pour tous les insectes butineurs ou larves mangeuses de pucerons. Une touffe d’ortie est une véritable niche de reproduction de nombreuses espèces d’insectes.
- Utilisez tous les moyens pour contrarier les prédateurs : colliers antifourmis autour des troncs des arbres, pièges à phéromone pour capturer les mâles de l’espèce à combattre, voiles anti-insectes.

On utilise le purin de fougère contre les pucerons et le puceron lanigère (puceron qui se couvre d’une cire filamenteuse et qui cause des dégâts en hivernant dans les fentes des troncs). Mais le purin de fougère a prouvé son efficacité sur d’autres parasites :
- sur la mouche mineuse des arbres fruitiers,
- sur acariens,
- sur la cicadelle de la vigne,
- sur le taupin de la pomme de terre (pulvérisation 2 fois avant la plantation et quelques traitements par la suite).
- sur cochenilles.

Mode d’emploi du purin de fougère
Dilution 10% : en pulvérisation contre tous les pucerons ou autres parasites au début du printemps dès leur apparition et par la suite.
- en traitement régulier, tous les 15 jours, puis en espaçant les traitements (attention à la chaleur).
- ou en traitement d’urgence, passage répété 3 fois en 10 jours.
NB : diluer seulement le volume nécessaire.

Non dilué : en préventif, contre les pucerons lanigères pendant l’hiver.
- Pulvérisez ou passez au pinceau sur les troncs en période hors gel.
Plantes d’intérieur :
- Sortir les plantes à l’extérieur pour les traiter car le produit est malodorant.


LA TANAISIE

La tanaisie est utilisée pour contrôler le développement des parasites :
- Aleurodes (mouches blanches), pucerons, acariens (infusion de 30 g de plante sèche dans un litre d’eau, à pulvériser non dilué)

Elle bloque le développement de la ponte ou de l’alimentation des larves chez de nombreux insectes :
- Larves du doryphore, du carpocapse (papillon) de la pomme, piéride du chou, du puceron du chou (décoction de 30 g de plante sèche dans un litre d’eau, à pulvériser non dilué).
- Rouille de la tomate, mildiou des pommes de terre (extrait fermenté à base de 300 g de plante sèche dans 10 litres d’eau, puis macération pendant trois jours. Diluer à 5 % en vue d’une pulvérisation foliaire).


L’ABSINTHE

L’absinthe est utilisée contre la mouche de la cerise. Un plant d’absinthe associé au pied de l’arbre suffit à éloigner le parasite. Plus tard, quand l’arbre fait de l’ombre au plant d’absinthe, il sera préférable de faire une ou deux pulvérisations de décoction d’absinthe juste à la formation du fruit (décoction de 30 g de plante sèche dans un litre d’eau, à pulvériser non dilué).
- En décoction contre le carpocapse de la pomme (ver de la pomme) au moment du vol.
- En infusion non diluée (30 g de plante sèche pour 1 litre d’eau) contre les acariens des framboisiers.
- En purin contre les pucerons des fruitiers (pommier, prunier), contre la rouille du groseillier (300 g pour 10 litres d’eau à utiliser pur ou à diluer en fonction de l’attaque).


RAPPELS

Purin : fermentation de plantes au soleil entre 5 et 30 jours en fonction de la température extérieure. Bien filtrer pour une bonne conservation.
Décoction : après 24 heures de trempage dans l’eau, les plantes sont portées à ébullition puis à frémissement pendant 20 à 40 minutes. Ensuite laissez refroidir pendant 12 heures et filtrez. A utiliser rapidement, se conserve mal.
Infusion : versez de l’eau bouillante sur les plantes et laissez infuser jusqu’à refroidissement, filtrez et utilisez rapidement.

Creative Commons License | SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0