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Les cistes, rosiers des garrigues

vendredi 5 août 2022, par Roland

Partie 1. Généralités

André Gide a écrit (Si le grain ne meurt 1926) : « les bouquets des cistes pourpres ou blancs chamarraient la rauque garrigue ».
Comment mieux évoquer le caractère typiquement méditerranéen de cette plante que tout jardinier devrait avoir dans son jardin méditerranéen.

Les cistes, plantes emblématiques méditerranéennes.

Fruit du ciste


Ce sont les emblèmes de la Méditerranée (4)

  • Parce que la vingtaine d’espèces (dont une dizaine en France) sont réparties pour la plupart sur le pourtour méditerranéen, et quelques-unes en Macaronésie (îles de l’Atlantique : Canaries, Madère, Cap Vert).
    Il faut y ajouter 10 fois plus d’hybrides naturels ou horticoles.
    La diversité des cistes permet de les observer aussi bien en garrigue (calcaire) qu’en maquis (acide).
  • Parce que ces espèces pionnières sont liées à l’écologie du feu (pyrophytes). Leur bois est très inflammable mais les incendies favorisent la germination des fruits. Leur forme en panier (kistê en grec) a donné son nom au genre.
    Ce sont parmi les premières plantes à repousser après un incendie.
  • Parce qu’ils résistent au sec. Beaucoup de plantes peuvent résister à un épisode occasionnel de sécheresse de quelques jours ou de quelques semaines.
    Pour les cistes, c’est autre chose : ils n’attendent pas une seule goutte de pluie pendant 2 ou 3 mois d’été, c’est leur façon de vivre !
    Poils sur une feuille de C. albidus

    Cette qualité est permise par plusieurs propriétés qui s’associent : d’abord un double système de racines superficielles et une pivotante, ensuite chaque fleur n’éclot qu’une journée ce qui limite l’évaporation.
    Certains cistes comme le ciste cotonneux (Cistus albidus) ont des poils à la surface des feuilles, ce qui permet d’y piéger une couche d’humidité.
    D’autres, comme C. ladanifer, produisent une sorte de « résine » protectrice, le ladanum utilisé en parfumerie comme note de fond.

    Fleur de C. x pulverulentus visitée par un butineur

Autres propriétés des cistes

  • Les cistes sont mellifères. Les abeilles butinent les fleurs mais c’est presque un jeu de dupes car si elles récoltent un pollen, elles ne peuvent se nourrir du nectar car les cistes n’en produisent pas ou peu.
  • Les cistes et le froid. Les cistes offrent une bonne résistance au froid sec, en général -10°C à -15°C. Un des champions est C. laurifolius un habitant de zones montagneuses entre 200 et 800 m ou plus haut et qui survit à -20°C (2)
    Une collection renommée de cistes est celle de Robert Page à Leeds au Royaume-Uni, pas spécialement favorisée par un climat chaud (5). Mais gare au gel en sol humide et lourd ! Par ailleurs, ils tolèrent la pollution et les embruns.
  • Résistance à la concurrence : les cistes produisent des substances qui empêchent la germination à leur pied (allélopathie). Vous n’aurez que peu de désherbage à effectuer au pied des cistes.
  • Ils ne sont sujets ni aux maladies ni aux ravageurs.
    Macules pourpres des hybrides de C. ladanifer : à gauche, C. x purpureus ; à droite, C. x
    cyprius ‘Troubadour’
  • Hybrides  : les cistes s’hybrident facilement dans la nature et en production. Il est souvent plus intéressant de choisir un hybride pour son jardin. En effet l’hybride hérite souvent de ses parents le caractère le plus favorable, comme la meilleure tolérance au calcaire ou la meilleure résistance au froid. Les couleurs bénéficient aussi de l’hybridation : C. ladanifer offre à ses hybrides les belles macules pourpres de ses fleurs.

Les fleurs des cistes

  • Les fleurs à 5 pétales, froissées, blanches ou roses sont bien caractéristiques. Il faut maintenant ajouter le jaune puisque le genre Halimium a été reclassé dans le genre Cistus (1).
    Les nuances de rose offrent un grand choix, depuis le rose « layette » jusqu’à des roses soutenus ou tirant sur le mauve.
    Nuances de rose : 1, C. x purpureus ; 2, C. x escartianus ; 3, C. x skanbergii ; 4, C. x pulverulentus

Des floraisons trop brèves ?

  • Visitez un jardin de cistes en milieu d’après-midi et vous serez déçu. En effet les fleurs fanent en milieu de journée mais elles se renouvellent jour après jour pendant environ 3 à 6 semaines et quelle splendeur !
    Il est possible d’avoir des fleurs de cistes de fin mars jusqu’à début juillet en associant des espèces qui ne fleurissent pas en même temps.
    Floraisons décalées : de C. x escartianus (à gauche sur les 2 photos) et C creticus (à droite sur les 2 photos) :
C. x escartianus fleuri fin mars
C. creticus fleuri fin avril
  • Ci-dessous sont montrés quelques exemples de cistes dont la floraison se succède de fin mars à début juillet. Des variations dans les dates sont possibles selon les années et les localisations.

Le feuillage des cistes

  • Il n’y a pas que les fleurs ! En mettant à profit les diverses formes, couleurs des feuillages, hauteurs des arbustes, il est possible d’obtenir de belles compositions, notamment en association avec d’autres plantes méditerranéennes (voir partie 2).
    Les jeunes pousses souvent collantes exhalent un parfum pénétrant ambré et épicé lors des journées chaudes d’été.
    La couleur des feuilles varie selon les espèces du vert argenté recouvert de poils (C. albidus) au vert sombre et luisant (C. ladanifer).
    Les bourgeons sont intéressants quand ils présentent une jolie teinte rouge (C. x hybridus, C. x aguilari, C. laurifolius).
Diversité des feuillages (de gauche à droite et
de haut en bas) : C. ladanifer, C. albidus, C.
laurifolius, C. x florentinus, C. creticus, C.
tardiflorens, C. x purpureus, C. x argenteus
Association de feuillages : 1, C. x purpureus ; 2,
C. tardiflorens ; 3, C. x hybridus ; 4, C. x
argenteus
Bourgeons de C. x hybridus (C. x corbariensis)

Les cistes et leurs hybrides

  • A titre d’exemple, considérons trois cistes communs dans nos garrigues, C. albidus, le ciste cotonneux avec ses feuilles grises duveteuses et ses fleurs rose lumineux, C. monspeliensis aux feuilles étroites, allongées, vert sombre et collantes, à fleurs blanches et C. salviifolius aux feuilles arrondies et
    rugueuses et aux fleurs blanches.
C. albidus
C. monspeliensis
C. salviifolius

Ces trois cistes ont donné naissance à plusieurs hybrides montrés ci-dessous, que l’on retrouve fréquemment dans les jardins. Rappelons qu’il existe environ 200 hybrides. Le choix est vaste !

Planter des cistes
Qui a peur du calcaire ?
Selon l’espèce, les cistes vont plus ou moins tolérer la présence de calcaire. Ainsi C. ladanifer, C.populifolius ne le tolèrent pas et vont chloroser. Par contre, les cistes poussant en sol calcaire vont bien se comporter aussi en sol acide. Si vous avez un sol calcaire, il faut savoir quels cistes vont
pouvoir s’y épanouir.
Olivier Filippi dans son ouvrage « Pour un jardin sans arrosage » (3) propose un protocole simple si l’on connait mal son sol. Il faut planter un C. ladanifer ne poussant qu’en sol acide, un C. salviifolius tolérant un sol légèrement calcaire et un C. albidus supportant le calcaire. Au bout d’un an, on aura jugé du comportement de ces cistes et l’on pourra mieux choisir les espèces les plus adaptées au jardin, comme montré dans le tableau ci-dessous. On peut aussi observer ce qui passe chez le voisin ou dans la garrigue environnante. Ne pas oublier que le calcaire n’est pas la seule cause de la chlorose et que tous les cistes peuvent chloroser en terrain lourd et humide. Attention au drainage !
A noter que pour certains cistes poussant en terre acide, des variants supportant un peu de calcaire ont été sélectionnés et sont en vente en pépinière spécialisée (C. ladanifer sulcatus var latifolia). De plus, pour C. creticus et d’autres, l’origine géographique entraîne des différences dans la tolérance au
calcaire (3). Rien ne remplace les essais dans son jardin.
Essayez, essayez…

Tableau : test simplifié pour le choix de cistes adaptés au sol du jardin

Liste non exhaustive de cistes tolérants ou non au calcaire

Conditions de culture
Offrons aux cistes de nos jardins leurs conditions naturelles de croissance.
La plantation se fait en automne au soleil. Certains cistes poussent à mi-ombre. Ceux-là sont intéressants pour le jardinier car ils supportent la concurrence racinaire des pins et des chênes. Un exemple typique est C. salviifolius (fleurs blanches) qui borde les allées des forêts et se plait presque au pied des pins.

Le drainage est d’une très grande importance, facilité par une plantation sur une petite butte. Le trou de plantation mesurera 30 cm de large et 40/50 cm de profondeur, rempli de sable de rivière, de cailloux, de pouzzolane, avec une cuvette suffisamment grande (environ 60 cm de diamètre et 20 cm
de profondeur) pour recevoir 20 litres d’eau une fois toutes les 3 semaines pendant un an (3). Les engrais sont à éviter et les arrosages sont arrêtés au bout d’un an.

Une fois installés, les cistes se passent d’eau, mais lors d’étés trop longtemps secs, les cistes perdent leurs feuilles pour se protéger sans pour cela mourir. Un ou deux arrosages permettront de conserver leur feuillage dans un but simplement esthétique. Attention, les cistes sont sensibles aux
Phythophthora, parasites responsables de leur destruction si le sol reste humide en saison chaude.

Les cistes ne nécessitent pas de taille mais il est préférable de tailler les pointes après la floraison, en évitant d’atteindre le bois. Cette taille légère permet de garder la forme du ciste et de prolonger sa longévité. En effet les cistes ne vivent que 10 à 15 ans.

La rapidité de leur croissance peut être utile si l’on veut structurer en peu de temps un jardin.
Quand les cistes vieillissent, il faut penser à préparer des boutures. Ces boutures semi-aoûtées se font après les pluies d’automne entre septembre et novembre de manière classique (voir l’article sur le site MGS). On peut aussi prélever une dizaine de rameaux de 20 cm de long, les réunir en fagots et les enterrer à moitié dans un mélange à part égale de terre et de sable.

Les semis sont aussi possibles. Les graines sont très dures et on améliore les rendements par scarification en les frottant une minute entre deux feuilles de papier de verre. Il est aussi possible d’imiter l’action du feu en chauffant les graines dans un four 10 minutes à 150°C (3).


Bibliographie

1. DEMOLY JP. Notes taxonomiques, chorologiques et nouveautés nomenclaturales pour le genre Cistus L. élargi, incluant Halimium (Dunal) Spach (Cistaceae). Acta Botanica Gallica vol.153 n°3, octobre 2006

2. eFlore. L’encyclopédie botanique collaborative. https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-18001-synthese

3. FILIPPI O. Pour un jardin sans arrosage. Actes Sud. 2007

4. FILIPPI O. La méditerranée dans votre jardin. Actes Sud. 2018

5. PAGE R. The Cistus & Halimium Website. https://www.cistuspage.org.uk/index.html



Texte d’après une conférence Hortus par Roland Leclercq, Annie Nivière et Elisabeth Gratraud (avril 2022)
Photos : Roland Leclercq, Hubert Nivière

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